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jeudi 30 janvier 2025

Comment Washington va propulser le Maroc sur les routes maritimes mondiales ?

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Une décision stratégique prise par la Federal Maritime Commission (FMC) des États-Unis est en passe de bouleverser les routes commerciales mondiales. En effet, cette mesure impose à certaines grandes compagnies maritimes de transiter par des ports bien identifiés, parmi lesquels figurent plusieurs infrastructures marocaines. Cette décision pourrait renforcer considérablement le rôle du Maroc dans les échanges entre les continents, tout en offrant des perspectives de croissance inédites pour ses infrastructures portuaires, notamment Tanger Med. Décortiquons les tenants et les aboutissants de cette décision.

Un héritage de la crise post-Covid

Cette décision de la FMC prend racine dans la période post-pandémie. La crise sanitaire avait provoqué un déséquilibre majeur dans les chaînes logistiques mondiales, avec une explosion des coûts de fret maritime. Ces hausses tarifaires, parfois démesurées, avaient considérablement freiné le commerce international. Par exemple, le transport d’un conteneur de 40 pieds entre l’Asie et l’Afrique du Nord atteignait des sommets avoisinant les 25 000 dollars.

Pour faire face à cette situation, les États-Unis ont adopté en 2022 le Shipping Act, une réforme majeure visant à réguler les pratiques des grandes compagnies maritimes internationales. La Federal Maritime Commission s’est ainsi vu confier des pouvoirs élargis, lui permettant d’intervenir sur les transactions effectuées hors du territoire américain. Cette régulation vise à préserver des tarifs justes et à garantir la fluidité des échanges commerciaux, ce qui a un impact direct sur les grandes alliances maritimes, comme celle entre Hapag-Lloyd et Maersk. Parmi les ports stratégiques intégrés dans cette régulation, ceux du Maroc occupent une place de choix.

Un double avantage pour le Maroc

Le Maroc tire plusieurs bénéfices de cette décision. D’abord, les coûts de transport maritime, essentiels pour les importateurs et exportateurs du pays, ont connu une forte baisse. Le tarif d’un conteneur de 40 pieds entre la Chine et le Maroc est aujourd’hui d’environ 4 000 dollars, soit une réduction spectaculaire par rapport à 2021.

En parallèle, cette décision permet à la FMC de réguler directement les flux commerciaux entre le Maroc et les États-Unis. Cela se traduit par une meilleure sécurité logistique et une plus grande fluidité des exportations de produits périssables, tels que les agrumes ou les primeurs. Les entreprises marocaines peuvent ainsi prévoir leurs délais de livraison avec davantage de sérénité, évitant les blocages et les perturbations qui pouvaient auparavant pénaliser leurs opérations à l’international.

Ces mesures favorisent aussi la compétitivité des exportations marocaines sur des marchés exigeants comme celui des États-Unis, où la régularité des livraisons est primordiale. Cette conjoncture encourage donc le développement de nouveaux marchés et une augmentation des volumes d’exportation.

Tanger Med : une plateforme sous pression

Avec cette nouvelle dynamique, le port de Tanger Med, déjà en pleine croissance, se retrouve sous une pression accrue. En 2024, ce hub stratégique a traité plus de 10 millions de conteneurs EVP, un record qui le place parmi les plus grands ports du bassin méditerranéen. Cette performance confirme son rôle central dans les échanges intercontinentaux, mais elle soulève également la question de la capacité d’absorption des infrastructures existantes.

Malgré les projets d’extension, comme l’ajout de 800 mètres de quais prévu pour 2025, les prévisions laissent penser que Tanger Med pourrait atteindre ses limites dès 2027. La capacité totale du port devrait alors avoisiner les 12 millions de conteneurs par an, un chiffre qui pourrait être insuffisant si la demande continue de croître au même rythme.

Vers une nécessaire expansion

Pour anticiper cette saturation, plusieurs scénarios d’expansion sont en cours d’étude. Deux sites potentiels sont envisagés pour accueillir de nouvelles infrastructures portuaires. Le premier se situe à l’est, près de Fnideq, non loin de Tétouan, tandis que le second, à l’ouest, pourrait voir le jour entre Malabata et Fardioua, sur une étendue d’environ 12 kilomètres. Ces zones offrent des configurations géographiques favorables, avec des profondeurs adaptées au développement d’un port évolutif.

Ces projets d’expansion visent à renforcer la capacité logistique du Royaume, tout en consolidant sa position de carrefour stratégique dans le commerce maritime mondial. Les investissements nécessaires pour mener à bien ces chantiers seront cependant conséquents, d’autant plus que le Maroc cherche à maintenir sa compétitivité face à d’autres hubs méditerranéens.

Une stratégie de long terme

Au-delà des projets d’extension, les autorités marocaines réfléchissent également à une transformation plus profonde de la gestion portuaire. Une des pistes envisagées est l’élargissement des compétences de la TMSA (Tanger Med Special Agency). L’objectif serait de permettre à cette agence d’administrer une flotte commerciale propre, capable de concurrencer les grandes compagnies maritimes internationales. Cette démarche permettrait non seulement de renforcer la souveraineté maritime du Maroc, mais aussi de préparer le renouvellement des concessions portuaires, prévu à l’horizon 2035.

En développant une flotte nationale de transport, le Maroc pourrait mieux maîtriser les flux commerciaux, négocier des conditions tarifaires plus avantageuses et diversifier ses partenariats économiques à l’international.

Des perspectives prometteuses pour les exportateurs marocains

Pour les exportateurs marocains, les retombées de cette décision américaine sont particulièrement positives. La baisse des coûts de fret, combinée à une meilleure régulation des flux, ouvre de nouvelles opportunités commerciales. Les secteurs de l’agroalimentaire, de l’automobile, du textile et des produits manufacturés sont particulièrement bien placés pour en profiter.

Les opérateurs économiques peuvent désormais planifier leurs opérations avec davantage de prévisibilité, ce qui améliore leur compétitivité sur des marchés étrangers exigeants. Cette conjoncture devrait permettre une augmentation significative des volumes exportés vers les États-Unis et d’autres régions stratégiques, contribuant ainsi à la croissance économique du Royaume.

Un tournant décisif pour le Maroc

La décision de la Federal Maritime Commission marque un tournant majeur pour le secteur maritime marocain. Elle renforce le rôle stratégique des ports du Royaume dans les échanges internationaux, tout en offrant des perspectives de développement économique et logistique à long terme.

Cependant, pour tirer pleinement parti de cette opportunité, le Maroc devra continuer d’investir dans ses infrastructures portuaires, tout en adaptant ses stratégies de gestion et d’expansion. Cette dynamique pourrait, si elle est bien exploitée, consolider la position du Maroc en tant que plaque tournante incontournable du commerce maritime mondial.

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L'invité du Nouvelliste Maroc

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